Tempête hivernale - Ravages causés à un foyer
pour personnes âgées
Par Lilianne
J'étais alors directrice copropriétaire d'une résidence pour personnes âgées en perte d'autonomie à quelques kilomètres de la frontière américaine, en pleine campagne, lorsque la tempête hivernale s'est abattue sur la région en janvier. Mon associée, mon frère et moi demeurions sur place et assurions le service 24/7 avec deux employés de jour. Je revenais de faire les emplettes quand la pluie torrentielle a commencé. Nous avons rentré en vitesse les précieuses victuailles sans nous douter que nous allions bientôt vivre un moment historique.
Quand la panne d'électricité est survenue vers 18 h, nous avons démarré la génératrice pour assurer le fonctionnement de la pompe à eau, des congélateurs et réfrigérateurs et des lumières d'urgence des corridors. Les signes extérieurs et les nouvelles à la radio annonçaient que cette panne risquait de se prolonger. Notre système D (débrouillardise) s'est alors enclenché en mode urgence. Heureusement pour nous et surtout pour nos résidents, nous avions un sysème de chauffage d'appoint au gaz et une gazinière pour préparer les repas et faire bouillir l'eau pour la vaisselle et les bains éponge de nos pensionnaires. Imaginez un peu l'ampleur de la tâche!
Donc, quatre fournaises d'appoint: deux dans le corridor des chambres, une dans la salle à manger et une dans le solarium. Ceci impliquait donc que, pour bénéficier de la chaleur, les pensionnaires devaient laisser ouverte la porte de leur chambre et de leur salle de toilette. Pas évident pour certains. Ça signifiait aussi l'ajout de couvertures de nuit et le rassemblement dans la salle commune le jour. Quelques lampes à l'huile décoratives dépoussiérées et un fanal à gaz éclairaient les lieux communs. Dans les chambres, les lampes de poche étaient plus appropriées.
Les policiers qui faisaient leur tournée pour s'assurer que tout le monde avait le nécessaire : chaleur et nourriture, se sont tout de suite rendu compte que tout allait bien chez nous et nous ont même amené quelques pensionnaires supplémentaires en dépannage. Nous étions débordés mais centrés sur le bien-être de nos protégés. Bien sûr, tout ce beau monde était fébrile mais nous étions à l'affût pour les réconforter!
Quand la glace du toit en pente de 2e étage s'est détachée brusquement et qu'elle a fracassé le puits de lumière au-dessus du solarium où la majorité des gens étaient réunis, un bref vent de panique a soufflé. Par la grâce de Dieu, la résidente qui aurait tout reçu sur la tête était partie aux toilettes à ce moment précis. Oui, j'ai remercié le ciel pour ça et pour la présence de mon frère qui est vite monté sur le toit pour boucher le trou et enlever le reste de la glace. Nous pensions alors que plus rien ne pouvait arriver.
Mais le summum n'était pas encore atteint. Mon cœur a fait trois tours quand le poteau de métal qui retenait les fils électriques à la maison est tombé et a arraché le fil du téléphone. Pas de moyens de communication avec une vingtaine d'aînés sous ma responsabilité, pour moi, c'était pire que la panne d'électricité! Non, je n'avais pas de cellulaire (six jours plus tard, une âme généreuse m'a prêté le sien). Six jours sans service téléphonique, vingt jours (480 heures) sans électricité, en cette fin de 20e siècle, une employée régulière en moins, nous avons assuré un service de qualité à nos pensionnaires.
Quand le courant a été rétabli le 26 janvier et que tout est redevenu normal dans la maison, je suis tombée comme une masse, terrassée par une pneumonie. J'ai mis 10 jours à m'en remettre mais je n'oublierai jamais l'entraide humanitaire et la solidarité généreuse de nos concitoyens.
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