Tempête de verglas - Se préparer à la campagne
Par Roxanne
Je pense que c'est sans doute notre déménagement de la ville à la campagne qui nous a le mieux préparés à la tempête de verglas de 98. Mon conjoint et moi - lui originaire d'Hamilton et moi de Winnipeg, deux villes relativement importantes où l'on trouve tous les services - nous sommes retrouvés à Kemptville, en Ontario, petite ville de 2 800 habitants. Nous avons dû tout apprendre sur les ampoules de 130 volts ainsi que sur les pannes et les sautes de courant. Nous avions connu une première panne d'électricité en automne. Elle avait duré une bonne journée et nous avait contraints à préparer le dîner pour le recteur de l'église sur notre petit poêle à bois. Ce fut une occasion mémorable avant celle de la tempête de verglas; mais à ce moment-là, nous avions deux enfants âgés de 10 et 11 ans, ainsi qu'un petit chien.
Ce qui nous a surtout préparés à cet autre événement, c'est que nous ne dépendions plus alors d'une seule source d'énergie à la maison. Nous avons toujours eu un poêle à bois et nous étions emballés à l'idée que le gaz naturel allait arriver à Kemptville. C'est ainsi que, quand nous avons perdu la commodité de l'électricité lors de la tempête du verglas dont les répercussions se sont fait sentir pendant une semaine, cela n'a pas pour autant représenté une situation d'urgence pour nous. Nous avions une chaudière au gaz munie d'un ventilateur électrique… qui ne fonctionnait donc pas. Nous avions un poêle à bois pour nous chauffer, mais il était également équipé d'un ventilateur électrique. Comme il n'y avait aucune façon de faire circuler la chaleur dans la maison, nous avons dû regrouper notre petite famille dans quelques pièces seulement (nous avons maintenant un ventilateur qui recircule la chaleur du poêle à bois et qui n'est pas alimenté à l'électricité). De plus, la plaque de notre poêle à bois est munie d'un rond amovible qui permet de la transformer en plan de cuisson. Nous avions aussi une cuisinière à gaz munie d'allumeurs électriques qui ne fonctionnaient évidemment pas, mais une allumette faisait l'affaire. Nous n'avions pas de four, mais quelle recette ne peut être adaptée pour une cuisson sur le dessus du poêle? C'est ainsi que nous avions réglé nos problèmes de chauffage et de préparation des aliments.
Le camping est l'autre activité qui nous a préparés pour cette tempête de verglas. Nous avions et avons encore l'habitude de conserver une cruche d'eau à portée de la main. Heureusement, la municipalité de Kemptville a laissé tourner des groupes électrogènes pour alimenter la station de pompage, si bien que nous n'avons jamais eu de problème d'alimentation d'eau. L'achat, cinq ans plus tôt, d'un chauffe-eau à rendement moyen, se révéla être une véritable bénédiction. Comme il fonctionnait sans électricité, il nous a permis, durant toute la semaine, de nous laver et de faire la vaisselle.
Les groupes électrogènes de Bell Canada fonctionnaient aussi en permanence dans la rue voisine. Nous pouvions les entendre ronronner et briser le silence sinistre dans lequel la ville était plongée. Notre téléphone nous a donc permis de rester en communication avec le monde extérieur.
Côté nourriture, pas de problème! Nous avions un congélateur horizontal et un garde-manger plein à craquer.
Nous prenions systématiquement les aliments stockés sur le dessus du congélateur, au fur et à mesure qu'ils décongelaient. Nous jetions tout ce qui était douteux, mais il est incroyable de constater pendant combien de temps le froid peut être conservé dans un congélateur horizontal qu'on n'ouvre qu'une fois par jour. Nous avons vidé les articles contenus dans notre réfrigérateur pour les stocker dans la serre-jardin d'hiver qui n'était pas chauffée. Là, nos aliments étaient au frais et à l'abris des animaux sauvages. La température dans la serre était sans doute un peu plus basse que celle d'un réfrigérateur, mais nous aimons tous, à l'occasion, déguster un bon lait frappé.
Quelques magasins du coin ouvraient dans la journée pour nous permettre de nous ravitailler. Ainsi, nous ne manquions pas de fruits frais ni de piles. À l'entrée, on nous remettait une lampe de poche, du papier, un stylo et une calculatrice et nous étions censés tout régler comptant à la sortie. Comme j'ai toujours eu des bougies à portée de main, je n'ai pas eu à me battre pour aller en acheter. Les Forces armées avaient posé un ruban jaune sur notre porte pour indiquer que la maison était habitée. Les militaires venaient nous voir tous les deux jours et semblaient toujours surpris du degré de confort et de propreté dont nous jouissions.
C'est quand nous nous emmitouflions pour aller marcher au clair de lune dans les rues de Kemptville, où résonnait le craquement des arbres et de la glace et où nous pouvions constater l'isolement d'une ville désertée par ses habitants, que nous avons passé nos meilleures soirées. Nous avons plus tard appris que les chaînes de télévision locales avaient prévenu les résidents du coin de ne pas sortir la nuit, mais comment aurions-nous pu le savoir? Nous n'avions qu'un malheureux transistor que nous n'allumions que quelques fois par jour pour écouter les informations avant de l'éteindre pour économiser les piles.
Nous ne savions toutefois pas combien de temps le courant resterait coupé.
À l'époque, nous n'avions pas de génératrice et nous n'en avons d'ailleurs pas acheté depuis. Nous avons trouvé que cette aventure a resserré les liens dans notre petite famille, notamment parce que nous passions nos soirées à jouer à des jeux de table et aux cartes ou à discuter. Durant cette semaine, nous avions adapté nos priorités à la situation. Nous mangions bien, nous étions propres et au chaud. Nous avions une famille et des amis à proximité.
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